N°46 - novembre 2006

L’équipe de rédaction : C.Auzépy christian.auzepy@wanadoo.fr
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Le mot du Président

 A nos anciens.

          Ce 7 novembre 2006, les anciens des Groupes Lourds se sont réunis à la chapelle de l'école militaire pour se souvenir des équipages des 5 Halifax qui ne sont pas revenus au terrain d'Elvington. C'était le 4 novembre 1944, lors d'une énième mission de bombardement au-dessus de la Rhur. 7 hommes d'équipage par avion. 35 hommes du « Guyenne » qui sont restés dans la « nuit ».
          Ils ne sont plus nombreux aujourd'hui ces français de la RAF des groupes 2/23 « Guyenne »- Squadron 346 et 1/25 « Tunisie »- Squadron 347, ce dernier s'appellera par la suite « Aquitaine ».
          Ces hommes de notre armée de l'air ont tenu à rester isolés peut-être parce que « ils ont volé au-dessus de l'enfer ». Ce qu'ils ont connu en équipage et avec les mécaniciens au sol sur un terrain étranger, ne doit pas pouvoir être partagé.
          Certains d'entre eux, on écrit leur histoire de guerre. A vous de la lire.
          A la même époque, de l'autre coté de la Méditerranée, le bombardement moyen était sur B26 Marauders. 6 groupes étaient rassemblés au sein de la 11ème brigade de bombardement. Vous les connaissez tous de nom. Je vous les rappelle, par ordre d'entrée en opérations : « Maroc », « Bretagne », « Gascogne », « Franche-Comté », « Bourgogne », « Sénégal ». L'équipage du B26 était aussi de 7 hommes.
          Voici ce qu'a écrit le capitaine Etienne dans le livre que les officiers de cette brigade du bombardement moyen ont publié en juillet 1946, soit quelques mois après la fin de la guerre.
          « Nous avions la Foi, cette force magnifique qui, seule, permet de réussir. Non seulement la Foi en l'immortalité de la France, mais aussi en la grandeur de la mission qui nous était confiée.
          Participer efficacement au combat libérateur, faire aussi bien que les Américains, telles étaient nos pensées dominantes. Cela avait déclenché entre groupes, entre escadrilles, entre équipages même, cette extraordinaire émulation qui devait conduire aux résultats les meilleurs.
Ce besoin de toujours faire mieux, de réussir, animait au plus haut degré chaque équipage.
          L'amour du métier, une conscience professionnelle poussée parfois jusqu'au sacrifice total les guidaient dans chacun de leurs actes. Ceci avec une force d'autant plus vive que tous sentaient que la réussite et même leur sécurité étaient fondées sur une confiance entière.

 


          Toutes ces qualités faisaient d'un équipage composé parfois d'éléments bien disparates, un bloc parfaitement cohérent.
          L'avion décollé, il n'y avait plus un pilote aux commandes, un mitrailleur dans la tourelle, un radio à l'écoute, un bombardier au viseur, mais un tout bien homogène, une sorte de monstrueuse bête humaine qui aurait occupé seule tous les leviers de commande de la machine de guerre.
          Chacun à bord ne vivait plus qu'au profit de tous et l'entente était telle que les sens d'un seul réagissaient sur les autres comme s'ils leur avaient été propres.
Si le mitrailleur de queue venait à annoncer "Six Messerschmitts plein arrière", le pilote, sans cesser de regarder le plan du leader, voyait distinctement la silhouette effilée des chasseurs allemands se profiler dans son dos. Cet esprit d'équipe est rendu parfaitement par la formule : " Un pour tous, tous pour un". La seule restriction : "la mission d'abord".
          Le Colonel américain Robinson qui avait assumé si brillamment la lourde tâche d'entraîner les groupes de l'escadre résumait cette idée dans son français parfois savoureux en nous disant " vous n'avez le droit de songer à votre sécurité que lorsque vos bombes sont larguées."
          Plus d'une fois, lorsque la flak était trop dense et trop précise, nous nous sommes accrochés tenacement à cet ordre pour aller jusqu'au bout.
          Certes, le goût du risque, l'amour du métier, le côté sportif de la mission, voire à la longue une certaine habitude, contribuaient à nous faire côtoyer des risques certains avec un ''flegme" qui souvent n'était qu'apparent.
          Si l'on veut vraiment parler du bombardement moyen, on ne peut et on ne doit pas s'en tenir uniquement aux équipages. Un groupe n'obtient véritablement du rendement que si tous les hommes qui le composent, ne vivent que pour "la mission".
          Cette "mystique" était partagée par tous, plus ou moins consciemment. A tous les échelons, dans toutes les spécialités, elle se traduisait pour les exécutants par un dévouement de tous les instants. Mais c'est nos mécaniciens qu'il nous a été le plus aisé de voir et de juger, parce qu'ils vivaient plus près de nous, et que leur travail nous concernait plus directement. Dévoué avant tout, le mécano est un rude travailleur. "Rouspéteur" de nature, il ne cesse de clamer que "ça ne va pas durer" et
fournira huit jours d'efforts si cela est nécessaire.


           Consciencieux jusqu'au scrupule, il a, au plus haut point, ce que le Général de Gaulle appelle "le goût de la belle mécanique". Vêtu d'un treillis décoloré par l'essence, la casquette de toile amoureusement chiffonnée, la figure maculée d'huile, le mégot aux coins des lèvres, le sourire éclatant, il circule sur la piste, remorquant par une ficelle, une invraisemblable boîte à outils montée sur roulettes. Evidemment, il a touché une boîte américaine, mais elle ne lui convient pas ; d'abord parce qu'il y a une place prévue pour chaque instrument, ensuite parce qu'il a été entendu une fois pour toutes dans la "gente mécanique" que c'était la boîte à outils qui classait le mécanicien. Le jugement prompt, la répartie facile, il a, plus que tout autre, l'esprit railleur du Français. Si Gavroche n'était pas mort, il aurait été mécanicien d'aviation.
          Nos mécaniciens d'armement, nous les avons vus toutes les nuits, quel que soit le temps, monter en piste pour charger les bombes sur les avions de la mission du lendemain. Nos mécaniciens de piste nous les avons vus en Sardaigne travailler sur leur machine par 40° de chaleur, dans un vent de sable d'enfer. Nous les avons vus à Lyon, sans gants, sans lainages, les pieds dans la neige, les doigts brûlés par l'essence, s'acharner par — 20° centigrade afin que leur avion soit prêt. Jamais nous n'avons eu la moindre défaillance à leur reprocher. Ils savaient que nos vies étaient entre leurs mains. Cet avion était un peu leur propriété personnelle. Ils ne l'en soignaient que plus jalousement. Cette affection, ils la reportaient sur l'équipage.
           Pour bien le comprendre il faut avoir vu un mécanicien, en train d'attendre que le pilote qui vient d'essayer les moteurs, lui fasse le signe conventionnel que tout est "O.K.". Encore n'est-il pleinement rassuré qu'après le décollage, lorsque train et volets rentrés, l'avion commence à prendre de l'altitude. Il attend alors que l'expédition, en vol de formation passe au dessus de la piste. D'un œil critique il cherche "son avion". Tant pis alors pour le pilote qui ne tiendra pas sa place. Au retour il peut être sûr d'entendre son mécanicien lui faire les reproches les plus vifs. A l'atterrissage, il arrivera le premier pour savoir si "ça c'est bien passé" et pour "compter les trous". Si par malheur son avion ne rentre pas, c'est un spectacle poignant que le voir, tête basse, les mains dans les poches, s'éloigner à pas lents de cette piste, où il n'a plus rien à faire. »
          Les Mirage 4 et les C135F ont connu cet esprit « équipage » et « équipe mécaniciens » dans les zones d'alerte où nous étions jour et nuit. Nous étions loin de cet environnement de guerre de nos anciens du bombing mais la « guerre froide » et la puissance de notre armement nous donnaient des responsabilités que nous assumions tous ensemble et chacun à sa place, comme les hommes d' Elvington et de Villacidro.
 

                                          Jacques Pensec
 

Le livre sur les FAS

          L’Assemblée générale du 26 septembre 2006 a entériné le projet de réaliser un livre sur l’histoire des FAS
          La rédaction de cet ouvrage a été confiée à l’historien Serge GADAL, spécialisé dans l’histoire de l’aviation et ses aspects stratégiques.
          Serge GADAL compte travailler à partir des éléments factuels détenus par le service historique des Armées et des informations contenues dans les sites de l’ANFAS et des C135.
          Toutefois cette approche restera insuffisante pour traduire l’esprit FAS si nous ne faisons pas appel aux souvenirs de chacun d’entre nous, surtout si nous avons eu quelques responsabilités dans les prises de décisions ou dans l’exécution de missions particulières.
          De plus nous sommes convenus avec Serge GADAL d’inclure dans le livre « FAS » quelques récits typiques illustrant chacun des chapitres de l’ouvrage.
Aussi nous faisons appel aux bonnes volontés de tous, que ce soit sous forme d’écrits ou sous forme d’interview avec l’auteur.
          Votre collaboration sera essentielle à la qualité de l’ouvrage et le « comité de lecture » vous en remercie par avance.

La rédaction

 

 

          La prochaine assemblée générale de l'ANFAS se tiendra sur le site d'ALBION à l'occasion des dix ans de sa fermeture.

          La date, en septembre 2007, vous sera précisée ultérieurement.

          Nous comptons sur votre présence et notamment sur les anciens du 1ierGMS.