A Mont-de-Marsan, le 08 octobre 1964, la triade constituée d’un Mirage IV
du 01.091 « Gascogne », de sa bombe AN 11, et d’un C135, prend la première
alerte nucléaire. Aujourd’hui, presque quarante et un ans plus tard, sur
cette base, un Mirage IV de ce même escadron effectue son dernier vol.
Quarante et un ans de
dissuasion nucléaire et de reconnaissance stratégique, au service de la
France, telle est la carrière du désormais mythique Mirage IV.
Ce 08 octobre 1964 marque
donc la concrétisation visible d’un programme amorcé sous la IVe
République, devenu une priorité absolue sous l’impulsion du général de
Gaulle qui lui insuffle un nouvel élan. Politiques, chercheurs,
industriels, ingénieurs et techniciens, civils et militaires, tous, dans
une synergie parfaite, concentrent leurs efforts pour que, dans les délais
les plus brefs, le premier pilier de la dissuasion nucléaire soit
opérationnel. Surprise du salon du Bourget de 1959, au milieu de ses
frères de l’air, le Mirage IV se présente en vol sous les yeux du Général.
Développé par la Générale
Aéronautique Marcel Dassault, le Mirage IV symbolise alors le summum du
progrès technologique. Témoin d’évolutions majeures, il bouleverse
complètement le champ des compétences aéronautiques acquises. La pratique
du ravitaillement en vol lui donne une endurance sans précédent. L’emploi
de techniques spécifiques lui permet une vitesse de Mach 2 durant une
demi-heure. Les innovations dans le domaine de la guerre électronique
accroissent ses qualités de pénétration, indispensables pour la réussite
de la mission nucléaire. Enfin, son vol à très haute altitude et à très
grande vitesse rend obsolètes tous les systèmes de défense sol-air de
l’époque… Incarnant le dynamisme d’une force exceptionnelle, il entre en
service le 22 février 1964 et, quelque deux années plus tard, l’ensemble
des Mirage IV sont livrés, soit 62 appareils. Les Forces aériennes
stratégiques comprennent alors 9 escadrons de bombardement: le Gascogne,
le Bretagne, le Guyenne, le Beauvaisis, le Cévennes, le Bourbonnais, le
Marne, l’Arbois, le Sambre - un escadron de maintenance - le Groupement
d’entretien et de réparation des matériels aéronautiques spécialisés
15.096 - et le Centre d’instruction des Forces aériennes stratégiques.
Une fois l’ensemble de la
composante en place : garantir sa pérennité et sa crédibilité, telle est
la mission de ce commandement de forces.
Tandis que la dissuasion
s’exerce au quotidien et que les prises d’alerte assurent sa permanence,
le général de Gaulle signe l’ordre de lancement de l’opération Tamouré :
opération qui doit démontrer la compétence de la France à projeter au loin
sa force de dissuasion et à tirer une bombe nucléaire dans les conditions
les plus proches d’une mission réelle. En ce 19 juillet 1966, la mission
est couronnée d’un incontestable succès.
Ainsi, pendant sept années, le couple Mirage IV-C135 est l’ultime garantie
de la souveraineté et de l’indépendance de la France.
A l’orée des années
soixante-dix, la Nation demande encore plus à cet appareil de légende : en
lui adjoignant un container photographique, le CT52, elle lui confère une
nouvelle mission : la reconnaissance stratégique.
L’arrivée du Mirage
2000N, son successeur, sonne la retraite des premiers
Mirage IV A. Toutefois, pour assurer la transition, 18 IVA sont «
rétrofités » en IVP, afin de recevoir le missile Air-sol Moyenne Portée,
successeur de la bombe AN22. Et c’est alors ensemble que Mirage IVP et
Mirage 2000N, toujours unis au C135, exercent la dissuasion au sein de
l’Armée de l’air.
Fort déjà d’une longue
carrière opérationnelle, marquée par les évolutions géostratégiques et par
les nombreuses restructurations au sein des Forces aériennes stratégiques,
le Mirage IV quitte, en 1996, le domaine de la dissuasion nucléaire pour
se diriger, vers de nouveaux horizons. Sans relâche, il œuvre avec une
efficacité extrême dans les missions de reconnaissance, notamment lors de
l’opération « Trident », en Bosnie et au Kosovo. Sa renommée dépasse les
frontières de l’Hexagone. Les Nations unies le réclament, confiantes en
ses qualités de serviteur de la vérité et de la paix. Ce sont les
opérations « Aladin » et « Tarpan », en Irak. Mais c’est aussi l’opération
« Héraclès », où le IVP s’engage, en Afghanistan, dans la lutte contre le
terrorisme.
Ainsi, sans jamais
faillir, depuis le 08 octobre 1964 et jusqu’à ce 23 juin 2005, le Mirage
IV a assuré ses missions.
Toutefois, rien n’eut été
possible sans l’investissement d’hommes et de femmes qui depuis quarante
et un ans œuvrent, de près ou de loin, pour le Mirage IV. Tour à tour, ils
se sont succédé pour maintenir l’excellence des capacités opérationnelles
de cet appareil de légende. C’est pourquoi, vous, personnel de l’Escadron
de reconnaissance stratégique 01.091 « Gascogne » et de l’Escadron de
soutien technique spécialisé 2E.096, êtes les derniers maillons de cette
chaîne, fidèles aux principes qui ont régi les unités Mirage IV : rigueur
et professionnalisme, dans le dévouement et dans la discrétion.
Aujourd’hui, la remise du dernier fanion signe la fin d’une histoire
humaine et aéronautique dont le Mirage IV et ses hommes sont les auteurs.
Héritiers de vos aînés, soyez fiers d’être les dernières plumes de ce
livre qui se ferme là où il s’était ouvert : les Bases aériennes 118 de
Mont-de-marsan et 106 de Bordeaux Mérignac.
Tenant à rendre un
hommage marqué aux officiers, sous-officiers, militaires du rang et
personnel civil qui ont œuvré au sein des unités Mirage IV et qui ont
toujours su garder foi en leurs missions de dissuasion nucléaire et de
reconnaissance stratégique, je m’incline devant ceux qui ont donné leur
vie en service aérien commandé et j’assure leur famille de la
reconnaissance de la Patrie.
Général MATHE Commandant les Forces Aériennes Stratégiques. 23 juin 2005.
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