N°8 - Août 2000

ANFAS Contact, L'équipe de rédaction. C.Auzépy-Thor-11 r. Chanez-75781 PARIS 16° 

Le mot du Président

Après vos occupations de l'été autour de vos enfants, de vos petits et arrières petits enfants, après les bourdonnements de ceux qui vous poussent tout doucement vers une autre époque de votre vie, l'ANFAS vous convie à retrouver pour quelques heures un peu de votre jeunesse et l'atmosphère de votre période d'action.
Le samedi 7 octobre, le Colonel LARDET, commandant la base aérienne 125 d'Istres-le-Tube nous invite sur son territoire. Il nous propose de reprendre contact avec les C 135 FR et Mirage 2000N et avec du personnel de l'Armée de l'Air.
Posez vos outils de jardin, abandonnez vos occupations bénévoles ou non, amarrez votre bateau au ponton, refilez vos petits enfants à leurs parents, et soyez libres pour vous retrouver auprès de vos vrais amis et de vos vrais anciens ennemis à : 

" ISTRES, le 7 octobre 2000 ".

Dites-le autour de vous et venez sans souci : le Col LARDET, son personnel et l'ANFAS s'occupent de votre journée.
Vous trouverez tous les renseignements pratiques dans la documentation jointe.


PÉRIPLES EN MARAUDER

Nous sommes trois équipages désignés pour aller à CASABLANCA chercher des avions neufs au parc de stockage de la base. Je suis de l'équipage du Cne CAZILLAC. Des pilotes de chasse de LUXEUIL, dont un Général, sont du voyage.
Au matin chacun regagne par ses propres moyens les vestiges de l'aérogare de LYON retapés tant bien que mal. Dans le bar rafistolé, mais abondamment pourvu, l'attente commence. Le ciel est couvert, le plafond bas déverse une pluie fine et froide. Peu d'illusion à se faire ce ne sera pas pour aujourd'hui ; le soir nous regagnons nos pénates en ayant passablement entamé les réserves du bar.

Le lendemain on remet ça et tout le monde se retrouve au bar. La météo est toujours la même. Pourtant vers 15h un trou dans le ciel de BRON autorise un Dakota de VALENCE à venir nous chercher.
Chacun embarque son barda en vrac dans le couloir central : sacs, parachutes, mae-west, caisses à outils, baises en ville…Nous décollons en surcharge et immédiatement nous rentrons dans le coton. Péniblement le Dakota atteint son plafond maxi, toujours dans les nuages. Il fait très froid et nous apprécions les " moumoutes " en peaux de moutons, mais qu'est ce que nous avons froid au cul. Nous doublons nos mae-west en caoutchouc sous nos fesses pour les isoler des sièges baquets en alu. L'avion givre et les hélices projettent des morceaux de glace sur le fuselage qui résonne à chaque impact.
N'ayant pu émerger au-dessus des nuages, nous plongeons vers le sol ; la température s'adoucit. tout à coup, à quelques dizaines de mètres sous nos ailes, les vignes défilent. Un " merde " retentissant nous parvient du poste de pilotage.
Je croyais être déjà en mer dit le pilote.
A SETE la montagne d'AGDE ne doit pas être loin ; à droite ou à gauche. Combien d'équipages ont percuté ses flancs ? " Inch ALLAH " ce n'était pas notre tour. Sur la Méditerranée le ciel est clair, les étoiles brillent, loin à notre droite nous voyons les lumières de VALENCE. Nous atterrissons à la SENIA vers 20h30.
Au parking c'est le désert. Aucune âme qui vive, aucun véhicule, le temps s'écoule, toujours rien. Le Général a bien envoyé un message radio annonçant notre arrivée, mais il semble s'être perdu dans l'azur !
Notre Général s'impatiente et le fait savoir. Au bout d'une heure la base est en effervescence. Toutes sortes de galonnés arrivent effarés, qui en jeep, qui en 402. Les citernes sont enfin là. Les pleins sont faits, mais la colère du Général ne faiblit pas. Plus d'une carrière militaire ont dû s'arrêter ce soir là.
Nous décollons enfin pour CASABLANCA où nous arrivons vers 2h du matin après un vol sans histoire. La jeep " FOLLOW ME " nous accompagne jusqu'au parking où, stupeur, la scène d'ORAN se reproduit. Le radio a laissé le message du Général sous le coude et les chasseurs ont du attendre les véhicules qui devaient les emmener à RABAT pour fini la nuit dans un lit douillet. Quant à nous " la piétaille ", assis sur un banc du poste de garde, les coudes sur la table, la tête par dessus, nous essayons vainement de dormir jusqu'au lever du jour.
Nous prenons en compte les avions qui nous sont affectés et je commence 

une visite détaillée de l'appareil qui m'échoit ; pas de caisse à outils, pas de caisse radio-compas, pas de caisse armurier, pas de caisse rations K…. Heureusement tous les garages de CASA sont abondamment pourvus d'outillage made in U.S.A. ; ceci expliquant peut-être cela ! 
Je fais tourner les moteurs, vérifie les pleins ; l'après-midi nous faisons un vol de contrôle : R.A.S.
Entre-temps, nous n'oublions pas de remplir nos sacs à parachute de 150 kg de café torréfié échangé chez un épicier arabe contre 300 tubes de rouge à lèvres " baiser ".
Le lendemain, le flight des trois B26 décolle vers 10h, direction BOUFARIK où nous arrivons vers 14h. Là, trois GMC nous attendent bourrés à bloc de brodequins Mle 1917 éculés, de vieux bidons, fourchettes et gamelles rouillés. Le Cne CAZILLAC ne veut rien entendre pour charger ces détritus ; une longue palabre s'en suit. Une jeep arrive, le Colonet-Intendant en personne en descend. Trois galons contre cinq, la lutte est inégale. Force est donc de charger tout ce fatras qui paraît-il devra équiper les F.F.I. issues de l'amalgame cher au Gal DELATTRE de TASSIGNY.
Le B26 en a jusque dans le nez vitré où je réussis à glisser deux sacs de vieux brodequins. Ayant fait les pleins, le soutier, sans doute à court d'argent, insiste très longuement pour me vendre deux sacs à paquetages de cigarettes BASTOS. Je n'en veux pas ; à force d'insister je les lui achète au prix que je fixe.
Décollage pour TUNIS. Je reste dans les soutes pour surveiller que rien ne vienne se ficher dans les commandes tant il y a de bric-à-brac jusqu'au plafond. Nous venons chercher des équipages fraîchement arrivés des USA après un bref passage à DJEDEIDA. Le Cne CAZILLAC pour ne pas être en reste arrive avec un fut de 200 litres d'huile d'olive.
Débrouille-toi de loger ça quelque part me dit-il.
En plus les nouveaux arrivés des USA ont force bagages, cantines etc…Mon choix est vite fait. Je leur explique que nous sommes en surcharge et qu'ils ne peuvent prendre avec eux qu'un simple " baise en ville ". Ils auront l'occasion, plus tard, de venir récupérer leur bien. Ils sont assez dépités.
Nous regagnons TUNIS où nous passons la nuit. Pleins, visite pré-flight, décollage pour LYON. Je suis assez inquiet pour le chargement que je contrôle une nouvelle fois. Mais tout se passe bien. Arrivés au parking, les GMC de l'intendance sont déjà là à nous attendre pour récupérer leur précieux chargement.
Alors qu'en ALSACE tout ne va pas pour le mieux, de nouvelles troupes seront ainsi équipées. " Les soldats de l'an II " sont ressuscités, la République peut renaître.
L'équipage se partage, à parts égales, les denrées contingentées que nous avons ramenées pour mettre du baume chez les civils qui nous hébergent.
Sans transition nous reprenons nos occupations dans le froid et la neige. La guerre continue.

Sgt mécanicien Yves VINCENT
Gr 1/19 Gascogne.
Panne électrique totale en Mirage IV

Le 11 décembre 1968 l'équipage AUTRET-RICQUART décolle de nuit pour une mission comprenant un ravitaillement en vol suivi d'une basse altitude dans la R-46. Le pilote, ayant déjà le même jour effectué deux vols en Mir III-B et un aller et retour Orange-Istres en voiture, est plutôt fatigué mais refuse de se faire remplacer.
Le début du vol se passe normalement ; comme souvent le Mistral balaye Orange et donne localement un ciel clair mais la météo dans le Sud-Ouest est exécrable. Arrivé verticale de Lourdes un alternateur tombe en panne ; 10 secondes plus tard le deuxième alternateur se croise les bras. Les affaires se corsent. Il faut se jeter par terre le plus vite possible ; il reste la batterie à autonomie limitée ( 20 minutes au maximum en principe )Le navigateur reste optimiste en disant :
- ça nous est arrivé au-dessus de Lourdes donc ça ne peut que bien se terminer.
Croire au miracle ça aide ! Mont de Marsan est rouge (50 pieds de plafond et 800 mètres de visi ) Le pilote veut revenir à Orange où le ciel est clair, le navigateur propose Cazaux qui est beaucoup plus proche mais jaune, avis que finalement le pilote suit.
Le réarmement des alternateurs ne donne rien ; l'avion n'avance pas et pour cause les températures tuyère plein gaz sont à 450 degrés ; le pilote pense à une absence de pompes d'alimentation alors qu'il s'avère que c'est la régulation électronique qui n'est plus alimentée. Le tableau d'alarmes ressemble à un arbre de Noël avec ses treize alarmes allumées ; un seul poste radio dont le pilote n'ose pas changer la fréquence de peur qu'il ne s'arrête en route ; plus de boule, de calculateur, de transfert (sauf le P2), de radar ; enfin il ne reste pas grand-chose et ça ne va pas s'améliorer.
Percée et G.C.Aà CAZAUX. Le Q.F.U face à l'Est implique un survol de l'Atlantique qui doit être plutôt froid à cette époque et le pilote qui s'est éjecté deux mois auparavant n'a pas envie de renouveler l'expérience. La fatigue du pilote et l'horizon artificiel qui devient paresseux font que le premier G.C.A est raté mais la piste est aperçue. Le pilote reste à 500 pieds, à la limite du plafond des nuages, fait un tour de piste basse altitude en se repérant sur la torchère implantée sur le terrain (le balisage de la piste est directionnel et ne se voit plus dès qu'on a quitté l'axe de la piste ).
Atterrissage 22 minutes après la panne (on apprendra par la suite que les mécaniciens ont installé à bord une batterie neuve juste avant le décollage ), parachute, retour au parking : à l'autopsie il s'avère qu'il n'y a plus d'huile dans les deux alternateurs. L'état-major agite le cocotier des points positifs en oubliant injustement le navigateur dont la présence et l'optimisme ont largement contribué au bon déroulement de cette mésaventure.

Michel AUTRET.