N°6 - Mars 2000
ANFAS Contact, dans sa rubrique " grandes et petites histoires du bombardement ", publie une nouvelle d'un de nos grands anciens, mécanicien sur Maraudeur. A lire. L'équipe de rédaction. C.Auzépy-Thor-11 r. Chanez-75781 PARIS 16° |
Le mot du Président Il y a 2000 ans avant notre ère, à l'époque de l'âge de bronze, des hommes ont laissé des repères et des signes dans la pierre, le long de la vallée des Merveilles. Cette vallée est située à 80 km au nord de Nice, au pied du mont Bégo ; |
Nous savons depuis un siècle sauver la Technique, mettre sous cloche les produits de notre matière grise. Le musée qui nous accueillera ce 29 avril, est une très belle réussite. Il met aujourd'hui à la portée de tous, les moyens pour comprendre demain l'histoire de l'aviation et de la conquête de l'espace. Il sera présent très longtemps dans le futur lointain. Nous le lui souhaitons. La reconstitution du site des SSBS au Bourget est une reconnaissance du travail effectué par les équipes de l'Armée de l'Air, de l'Aérospatiale et du CEA, pour ne parler que des grands maîtres d'œuvres. Mais ces grands noms dissimulent des hommes et ce sont ces hommes qui doivent, par votre présence ce jour-là, rentrer dans l'histoire. L'histoire technologique n'a sa totale signification que si l'âme des hommes qui l'ont faite est présente. Comment ne pas " oublier " Rustrel et le pays d'Apt dans cette écriture de votre histoire ? Il me semble que l'exposition du Bourget n'aurait pas entièrement son sens sans un lien avec le pays de la base aérienne 200 de Saint-Christol d'Albion. Tels les hommes de la Vallée des Merveilles, il nous faut laisser des traces pour expliquer votre travail et le sens de votre passage dans ce magnifique paysage. Graver votre histoire dans la pierre de Rustrel, cela doit être entrepris par vous, par nous : il n'y aura personne derrière vous pour le faire ! Pour cela nous avons besoin d'être ensemble car, comme dit un proverbe de l'âge de bronze : " les Merveilles sont accomplies par les hommes unis ". Je vous donne rendez-vous le 29 avril au Bourget pour un devoir de mémoire. Jacques PENSEC
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Un vol au quotidien... Sur Maraudeur
Nous sommes en février 1945. |
dans une courbe, nous croisons un train " qui vole plus haut que nous ". Voici Pierrelatte. Le Commandant ROLLAND avait là une petite amie préférée. Nous voilà à hauteur du coq à tourner autour du clocher. La bille dans le coma, calée au coin de son instrument. Pas question pourtant de rappeler le chef aux réalités aériennes. Nous reprenons enfin le cap au Sud, toujours au raz de l'eau. Istres, Marignane sont devant nous. Une activité intense y règne. Nous évitons de couper le circuit. La mer est là ; à 600 pieds d'altitude, en régime de croisière et en touristes nous longeons la Côte d'Azur. Nous voilà au-dessus des Iles : Château d'If, le Frioul et Ratonneau où, le 24 août, les Maraudeurs ont pulvérisé une batterie de gros canons qui tiraient sur Marseille. Dans la rade, une multitude de " Donald Duck ", petits points d'écume blancs, font une navette incessante entre les bateaux et la cité. Toulon. La ville a assez souffert. Dans la rade, les bâtiments de l'escadre navale gisent toujours le ventre en l'air depuis le mois de Novembre 1942. C'est alors qu'apparaît au poste de pilotage le mitrailleur qui avait sans doute pensé " coincé la bulle " dans la tourelle de queue et que tout le monde avait oublié. Il n'était pas content, mais alors pas content du tout car il est tout meurtrit et sanguinolent. Mais il n'ose rien dire, hiérarchie oblige ! Le spectacle est magnifique. Il faut avoir vu le ciel bleu ; la mer bleu foncé, les forêts de pins vert bouteille et les roches rouges pour ne jamais l'oublier. A notre droite, à nos pieds, la Corse que nous avons si souvent longée est là avec ses sommets couverts de neiges. De temps en temps émerge l'épave d'un LTC (bateau de débarquement) battue par les flots. Des carcasses de véhicules encombrent encore les plages ; çà et là des destructions ; il n'y a pas si longtemps la guerre est passée par là. Menton est atteinte 90° à gauche. Nous prenons de l'altitude. Avec émotion et tristesse, nous coupons la trajectoire de l'avion du Franche-Comté qui, le 4 août, a percuté la montagne. Le Sergent-Chef Mitrailleur DONATO était mon bon camarade : 50 ans après nous irons sur place leur rendre un ultime hommage. Le Mont Blanc est là devant nous, inondé de soleil. Loin à gauche, le Ventoux se détache. Nous montons toujours. J'enclenche le deuxième étage des compresseurs ; nous sommes à 16.400 pieds, au-dessus du roi des sommets immaculé de blancheur. Un large 360°, le spectacle est grandiose. La respiration est un peu haletante et la température intérieure somme toute bien raisonnable. Cap sur Lyon. Le pilote affiche un petit vario négatif. Le Maraudeur accélère, accélère, le badin monte. En un rien de temps, la ville est sous nos ailes. Le soleil d'hiver frôle l'horizon. Train et volets sortis, l'avion se pose en douceur et rejoint son parking. Les pilotes coupent les moteurs ; le radio sa boite à musique. Pour eux le vol est fini. Déjà, par une savante gymnastique, je suis dans la queue. Je bloque les commandes, mets les housses, pose les caches, effectue les contrôles, commande les citernes pour faire les pleins, mets à jour la forme " one ", vérifie l'état des pneus et pour la nième fois j'ouvre toutes les purges. Demain au jour l'avion sera prêt pour une autre mission ou tout au moins un autre vol. Sgt Mécanicien Yves VINCENT Gr 1/19 Gascogne. |