N°33 - Septembre 2004

L’équipe de rédaction : C.Auzépy christian.auzepy@wanadoo.fr
Site anfas : http://anfas.free.fr

 

Le mot du Président

 17/18 septembre 2004 : 40e anniversaire des F.A.S.

     Oui, c’était un bel anniversaire. Je vous ai vus nombreux, plus nombreux que sur la liste Anfas, et cela était agréable pour tous. Le plaisir d’être présent était dans vos yeux et dans chaque poignée de main.
     Merci à nos chefs et présidents d’honneur de l’association d’avoir marqué, par leur présence, la vitalité de notre Grand Commandement : 14 dont 2 pouvoirs sur 19. Nos « Grands Anciens » ne se sont d’ailleurs pas fait prier pour la photo devant le MIRAGE IV stationné sur le parking et décoré des dates 1964 – 2004.
     Des groupes d’anciens se sont constitués et ont refait ou essayé de refaire les clans d’avant. Les épouses n’étaient pas les moins actives car se présenter en « jeune grand-mère » après avoir été connue en « jeune mère » est un art qui s’apprend plus agréablement aux côtés de ses amies.

Les hommes étaient sollicités de tous bords mais ont pris le temps de :

- Faire revenir en mémoire, au moment de l’appel des noms, lors de la cérémonie religieuse, le visage de leurs 31 copains, partis jeunes vers d’autres horizons,
- se dire : « je le connais, celui qui passe devant, comment s’appelle-t-il déjà ? » et devoir faire appel à la mémoire collective,
- trouver que « j’ai meilleure allure que cet ancien chef qui me faisait bosser dans le temps »,
- faire le tour de tous les groupes, cherchant celui que la rumeur prétend présent et qu’on n’arrive pas à trouver,
- se sentir à l’aise, au milieu de ce mélange des âges et des grades, dans les hangars et sur le parking de l’ex-CIFAS et sous les néons du mess sous-off comme s’ils étaient encore un peu chez eux.

     Vous serez tous d’accord pour que je remercie en votre nom les FAS : Gal MATHE, Gal PARMENTIER et la BA 106 : Col CHAMAGNE, Col HAUBOURG, pour l’organisation , pour les buffets de grande classe, pour l’ambiance décontractée.


 

     Merci Messieurs. Merci également à votre personnel et plus particulièrement à ceux de l’ESTS et à leur patron, le Cne KERFRIDEN.
     Je vous sais aussi d’accord pour féliciter les troupes qui ont défilé. Sans oublier ces PN, qui, bien assis dans leur C 135 FR et MIRAGE 2000N, ont encadré notre Très Vieux Mirage IV. 40 ans : pour un avion c’est un âge à être grand-père !!
     A l’éclatement, lors de la présentation en vol, le bruit des 2 réacteurs du IV a résonné en moi comme un adieu, adieu de notre avion à des femmes et des hommes qui lui ont été fidèles pendant 40 ans.
     Les portes-fanions de nos anciens escadrons sont restés seuls sur le parking, ne sachant s’ils devaient se fondre dans la foule ou attendre. En votre nom, je suis allé les saluer et je leur ai donné rendez-vous dans quelques mois pour une autre cérémonie, celle du Dernier Vol. Ils sont d’accord, ils nous attendent. Dites-le très fort autour de vous.

                                                                          Jacques Pensec


 

UNE NUIT DE MAI 40 (suite)

…/…
     Soudain, sans aucun indice précurseur, le fuselage ovale de l’Amiot est saisi par les faisceaux de huit projecteurs allemand. Contre l’avion, tache luisante dans le ciel, la Flak-Artillerie entre en action. L’écoute ennemie a joué : les dispositifs de repérage au son des postes de guet allemand ont donné l’alarme.
Près de l’appareil directeur de tir, le premier lieutenant de chaque batterie jette ses ordres.
     Ah ! la belle cible.
     Regnault voit distinctement les lueurs de départ des coups. Des flammes brèves sortent d’une trentaine de canons Rheinmetall qui crachent, avec un ensemble parfait, comme aux écoles à feu. Les tirs sont très denses. Mais les premières rafales – des obus traçants rouges – portent d’abord légèrement vers l’avant.
     Les salves sont maintenant mieux ajustées. Les gerbes rouges se rapprochent. Les chenilles phosphorescentes et les vertes s’égrènent. Le tir est encadrant.
     Les balles de mitrailleuses lourdes frappent sur le nez de l’avion qu’environnent les éclatements des obus explosifs.


     Pour déjouer l’action des batteries de la Flak et gêner la visée des pointeurs allemands, le Lieutenant Frémond fait, avec sans-froid tout ce qu’il doit. Puis il tire sur les manette des gaz et, dans un grondement démesuré des moteurs, entame, avec les commandes durcies, un virage serré à gauche.
     L’Amiot frémit tout entier et plonge dans un remous.
     Les ailes vibrent, vibrent ; les filets d’air giflent le fuselage. Le vent siffle contre les tôles. Abandonnant d’instinct la ligne droite, le pilote alterne irrégulièrement le plein gaz et le ralenti. Enfin, les dents serrées, Frémond amorce une marche fantaisiste en lacets et en montagnes russes.
Précautions vaines. Les canonniers allemands tirent sans épargner les munitions. L’avion est criblé d’éclats de petits calibre. Les éclairs jaillissent contre le plexiglass des vitres qui se fendille, puis se brise avec un son mat.
     Les canalisations du circuit hydraulique sont cisaillées. Dans un craquement sourd un obus de calibre 25 défonce le réservoir et la tuyauterie d’huile ; un autre obus disloque la poutre-longeron et fait un trou béant dans le poste arrière ; un troisième éclate dans le plan gauche. Une balle crève l’indicateur de virage. Lancé comme un projectile, l’altimètre bondit de la planche de bord et manque d’atteindre le pilote.
     Malgré son anxiété, Frémond tient bon ; l’avion continue à tanguer, à rouler, pour essayer d’échapper aux gros projecteurs de marine qui fouillent le ciel.
Par un réservoir fendu, l’essence fuit. Elle arrive d’abord goutte à goutte ; Puis tombe en giclées sonores qui font dans l’avion une flaque lourde.
Le Col. Dagnaux reste calme : sans doute a-t-il connu d’autres tempêtes dans sa vie. Une fois de plus, il s’agit de « tenir le coup », de garder les idées claires et nettes, de mener tout cela en homme.
     « Préparez-vous à parachuter…tous ! » ordonne le Colonel en lançant un bref regard autour de lui. La voix est lente mais grave. Point de paroles vaines. Pas de précipitation. Posément, Dagnaux replie sa carte et ferme son carnet de bord. Sur son visage, une froideur hautaine, presque de l’indifférence.
     Les choses ne font que commencer. Soudain le Colonel sent comme une coupure à l’oreille droite. Quelque chose de chaud sous le casque de cuir commence à couler, à glisser dans son cou.
« du sang ?….. »
     Guidés par les rayons des projecteurs, les yeux des pointeurs allemands suivent l’Amiot, comme au grand jour. Sur le fuselage arrondi, dans un cadre gris acier, nacré de pourpre, le « Gaulois », de son menton relevé nargue les batteries de Flak. …. « l’insolent Gaulois ».
     Ainsi les canons de 20 et les projecteurs de 110 ne suffisent pas ! Sans plus attendre,-car on ne joue pas impunément avec l’amour-propre des artilleurs, les pièces Krupp de 88 entrent en scène. Les phares, aux 800 millions de bougies et aux énormes réflecteurs, s’allument. De grandes ondes lumineuses jaillissent et encadrent l’avion.
     Sous un faisceau éblouissant, les trois cocardes bleu, blanc, rouge paraissent immenses.
 

     C’est pour ces trois cocardes de couleurs que, là-haut, à 500 mètres, quatre Français casqués de cuir jouent, par cette nuit de mai, leur dernière carte…..
Des étincelles sortent maintenant du moteur gauche. Le moteur droit « bafouille », crache par saccades une épaisse fumée noire. Et c’est tout e suite le pire. En quelques secondes, la chaleur devient étouffante. Les réservoirs et le centre du fuselage prennent feu. Des bouffées d’air brûlant, qui semblent sortir de la gueule d’un four, pénètrent dans la carlingue.
     L’empennage, à son tour, est environné de flammes. L’habitacle du chef de bord s’emplit de fumée. De ses mains maculées de sang, de ses deux mains, le Colonel Dagnaux se cramponne à la table de navigation : il se dresse lentement. Sa jambe gauche, sa pauvre jambe articulée, se balance un instant sur sa jambe valide, puis s’immobilise. Son visage se tend tout entier dans une dure crispation.
     Le pilote essaie de parler au chef de bord et au radio : mais le téléphone fonctionne mal. Le grésillement du microphone empêche le Lieutenant Frémond d’entendre distinctement. Les crachements et les sifflements sont tels que Regnault est obligé de débrancher les écouteurs.
     Les balles claquent autour de l’avion et résonnent contre les tôles en aluminium. Le pilote reçoit un choc sur le front et ses lunettes se brisent. Un éclat lui passe devant les yeux et va se planter dans le porte-cartes. Une balle lui frôle la joue, si près qu’il en sent le vent, et s’aplatit sur le viseur.
Tout cela n’a guère duré plus de dix minutes peut-être moins.
« Y-a-t-il quelqu’un de blessé ? » crie Frémond qui, agrippé aux commandes, lutte pour maintenir l’avion en ligne de vol.
Seul, le radio répond :
« je ne suis pas touché »
Dagaux et Lavolley ne disent mot.
Le Lieutenant Frémond, remplaçant désigné du chef de bord, donne alors, à la place du Colonel, l’ordre d’abandonner l’appareil. D’une voie rauque, cuivrée, Frémond jette :
« Lancez-vous, un par un …je partirai après ».
Regnault ouvre la trappe d’évacuation.
     Pour ralentir l’avion et faciliter le départ en parachute, Frémond agit sur les commandes, « remet tout au milieu » et appuie sur la manette des gaz. Le tonnerre des moteurs prend fin.
     Et toujours, à terre, les courtes flammes rouges des départs. Les canons allemands tirent, tirent.
     Un nouvel obus frappe de plein fouet le toit vitré du poste de navigation qui vole en éclats.
     Une haute silhouette enjambe la carlingue : serrant les mâchoires, Regnault saute à travers les flammes. Mais ni l’adjudant-mitrailleur Lavolley, frappé à mort, ni le Colonel Dagnaux, grièvement atteint et gêné par sa jambe de bois, ne peuvent quitter l’appareil.
« Je tiens encore…Lancez-vous » crie le pilote pour la dernière fois.

     Sentant l’Amiot désemparé s’enfoncer et partir en abaté près du sol, le Lieutenant Frémond déboucle la ceinture qui l’attache à l’avion, où roulent des tourbillons de fumée. Puis, le visage trempé de sueur, les yeux brûlants, la gorge sèche, il se lance à son tour dans le vide, en s’arc-boutant de la main droite sur le hublot embrasé et craquant.
     A 50 mètres du sol une ombre lourde bat l’air. Le parachute s’ouvre, se balance. Il était temps. Les arbres, les haies, les champs se rapprochent. En quelques secondes, Frémond touche terre dans un choc mou.
Presque immédiatement, comme un bateau en détresse, l’avion se cabre, en laissant derrière lui une longue traînée de lumière et de feu….Une convulsion encore. Chose singulière ! sur un morceau de fuselage intact « la tête de Gaulois » étincelle et jette un dernier défi.
     L’incendie gagne par vingt endroit. La carcasse, percée de projectiles, n’est plus maintenant dans le ciel qu’une grande tache de feu, toute fumante. Elle bascule .

     Un retournement brusque, un temps mort. C’est fini. Il n’y a plus d’espoir.
Trois secondes plus tard, l’épave passe sur le dos, s’effondre en sifflant, fauche l’air dans une chute vertigineuse à la verticale et percute une maison à quelques kilomètres de Vervins. Sur l’instant l’avion explose avec sa cargaison de bombes, dans une détonation formidable, au centre du village de La Vallée-aux-bleds.
     On ne retrouvera aucun des restes du Colonel Daganaux.. Pas une chaîne d’identité ; pas un morceau d’uniforme ; pas le moindre souvenir.
Rien non plus de l’avion, qui a été pulvérisé dès son contact avec la terre ferme. Si, pourtant…un bout de ferraille tordue !…….


                      LCL Pierre PAQUIER (Lourdes, février 1942)
                  
   Avec l’aimable autorisation de Bernard PAQUIER.
 

Hommage à quelques uns de nos TRÈS GRANDS ANCIENS de 1914-1918

DÉCORATIONS DE GUERRE

Paru en supplément dans le journal « l’Illustration » du samedi 1ier décembre 1917.

« Pilote plein d’entrain et d’audace. Volontaire pour les missions les plus périlleuses. Après une poursuite acharnée, a livré à un avion allemand un combat qui s’est terminé par l’incendie et l’écrasement de ce denier.
A fait preuve de vaillance, d’énergie et de sang-froid en accomplissant, comme volontaire, une mission spéciale importante et difficile par un temps d’orage.
Ne cesse de donner les plus beaux exemples de hardiesse, de courage et de sang-froid, en remplissant avec succès les missions les plus périlleuses. Vient, en outre, pour la troisième fois, de descendre, le 8 décembre 1915, un avion ennemi dont les passagers ont été tués.
Pilote de grande valeur, modèle de dévouement et de courage. A rempli, depuis six mois, deux missions spéciales exigeant le plus bel esprit de sacrifice et livré 13 combats aériens dont deux se sont terminés par l’incendie et la chute des avions ennemis. »

 

GUYNEMER GEORGES

Sergent à l’escadrille N 3.

 

« D’une rare bravoure, n’a pas hésité, à plusieurs reprises, à survoler les lignes ennemies à faible altitude pour accomplir sa mission. A exécuté de nombreux vols de nuit. Le 15 mai 1915, armé d’une carabine, attaqué résolument un avion allemand, l’a empêché de continuer sa reconnaissance et l’a obligé, par une poursuite habile, à rentrer dans ses lignes. »



SISMANOGLOU J.

Adjudant à l’esc.M.F. 44.