Terrain de
HAO : 19 juillet 1966, 04 H 35 locale, décollage du Mirage IV A N°9,
équipage Cdt DUBROCA et Cne CAUBERT ; à 05 H 15, largage, explosion:
mission TAMOURE réussie.
Lorsque j’écris ces 2 lignes qui rappellent une
date importante de notre Armée de l’Air et plus encore de la crédibilité
de la dissuasion française, nous sommes très exactement le 19 juillet
2004, soit 38 ans plus tard. Et c’est un de nos anciens , Jean-Marc
LIOTARD, présent à HAO pour cette opération, qui me le souffle. Il avait
accompagné le 9, démonté, mis en cale dans un bâtiment de la Marine
Nationale. Et il l’avait remonté sur place, bon pour le service.
38 ans plus tard, il garde encore une certaine nostalgie de sa croisière
sur le navire de nos collègues marins.
Vous êtes très nombreux à avoir répondu
positivement pour les 2 jours du 40ème anniversaire. Je n’ose pas
annoncer de chiffre. Mais j’ai bien l’impression que nous allons refaire
l’histoire des FAS en 48 heures, tellement nous aurons de « toi ici…, tu
te souviens…, tu te rappelles… » autour de nous. Est-ce que nos épouses
vont tenir le coup, ou bien vont-elles en rajouter ? A suivre…
Deux « consignes » à faire passer entre nous :
- A l’issue de la messe-souvenir ( 16 H ), le général MATHE, Cdt les FAS,
inaugurera la stèle MIRAGE IV de la BA 106 ( 17 H ). L’emplacement de la
cérémonie, réservé à l’ANFAS, ne peut contenir que 50 personnes et donc
pas l’ensemble des présents. Ne voulant pas faire de tri parmi nous, je
vous demande très expressément d’avoir la gentillesse d’accepter que,
seuls, les membres du conseil d’administration de l’ANFAS y participent.
Si les familles de nos copains, morts en SAC, sont présentes, je les
inviterai en votre nom. La durée de la cérémonie est de 30 minutes. Nous
vous attendrons près de la stèle à l’issue.
- Parmi les anciens FAS, quelques-uns ont reçu une
invitation-laisser-passer uniquement pour la cérémonie militaire du 18
après-midi. S’ils souhaitent, malgré tout, assister à la messe et
participer à l’assemblée générale de l’ANFAS qui aura lieu – je vous le
rappelle à 08 H 15 précises le 18 septenbre– qu’ils me téléphonent ( 0
298 875 794). J’intercéderai pour ces cas isolés
|
Une nuit de MAI 1940
Le vendredi 17 mai 1940, à 21H30 un bombardier au ronronnement sourd
quitte, tous feux éteints, le terrain de base du Groupe 2/34. Face au
vent sud-ouest, le bimoteur s’enfonce dans la nuit..
L’avion est un monoplan à aile basse. Il porte
deux gouvernails largement écartés. C’est un Amiot 350, soigneusement
camouflés par les mécaniciens du Groupement 9, à la lisière du champ
d’atterrissage de Nangis. Récemment arrivés au Groupe ces appareils sont
destinés à remplacer les vieux Amiot 143 d’un modèle périmé. Périmés les
Amiot 143 ?
Mais oui, avec leur ventre saillant, il font
péniblement 200 Kmh, c’est à dire 345 Kmh de moins que les chasseurs
allemands !
C’est la deuxième fois seulement que l’un des
Amiot 350 du G.R.2/34 effectue une mission de guerre. Car ces nouveaux
avions, livrés aux escadrilles du front, un par un, vaille que vaille,
sont inachevés. Malgré leur poids respectable de huit tonnes, ils n’ont
pas d’armement. Le dispositif de refroidissement de leurs moteurs
fonctionnent mal.
Par un geste de crânerie élégante, l’insigne du
2/34 (la fameuse « tête de Gaulois », s’il vous plait) vient d’être
reproduit, au pochoir comme il se doit, sur les flancs du 350. Le
Gaulois fronce les sourcils pour bien se donner tournure de guerrier. En
outre, au grand dam de tous les professeurs d’histoire, l’ancêtre porte
crinière mérovingienne : sans doute pour inciter au péché d’envie les
petits camarades du 1/34 dont les « taxis » arborent l’image d’un «
parlementaire poursuivant son chapeau ».
Ma foi, avec son fier emblème fraîchement peint
de couleurs vives, cet Amiot, inapte au combat, vous prend un air
imposant d’avion d’armes : de quoi damer le pion à tous les bombardiers
!
Dans la carlingue de l’appareil qui décolle ainsi
plein moteur, quatre aviateurs casqués de cuir, en vêtements de vol, ont
pris place : quatre hommes habitués au risque en commun dans cette
attente muette qui fait un équipage.
Dans la cabine du navigateur, sous la coupole vitrée, le responsable de
l’expédition, le LCL DAGNAUX, chef de bord. Rien ne gêne sa vue vers
l’avant. Ensuite, sur le siège élevé du pilote, le LLT FREMONT qui,
d’une poigne robuste, tient les gouvernes de l’appareil. Près du poste
de T.S.F., le radiotélégraphiste REGNAULT. Enfin, les yeux vigilants aux
commandes d’armement, bien calé contre la tourelle de deux mitrailleuses
jumelées, montées à la hâte, l’adjudant LAVOLLEY. |
Le temps est très clair,
la visibilité excellente. Le regard porte presque aussi loin qu’en plein
jour. Du sol, il suffit aux mécaniciens de lever les yeux pour
apercevoir d’autres avions français, qui se détachant sous le plafond
haut, croisent au-dessus de 2000 mètres. Dans ce ciel de guerre, aucun
appareil à croix gammée n’est en vue. La soirée est tiède. De petits
coups de brise agitent, par intervalles, la manche à air. A l’horizon
tremblent quelques étoiles.
En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, l’Amiot 35O roule sur
l’herbe haute, fait son palier, franchit la ligne d’arbres qui borde le
terrain et se lance dans le noir, dans l’aventure.
L’avion gagne de l’altitude. Le champ
d’atterrissage n’est plus qu’une tache bleuâtre. La vallée de l’Yvron
est noyée dans la nuit. La masse sombre et silencieuse du château de
Philippe le Bel domine seule le bourg de Nangis.
Dans une lueur glauque, on devine, plus au sud, l’étang
et la rivière paresseuse de la Chapelle-Gauthier. Pas de franches
couleurs. Courbés sous la défense passive, bourgs et villages se perdent
dans la grisaille.
Le lieutenant Frémond relève le train d’atterrissage escamotable, en
actionnant la commande hydraulique : les roues glissent vers l’arrière
dans les fuseaux moteurs au nez arrondi. Puis, le pilote place les
hélices tripales au grand pas. Enfin, après un rapide virage à droite,
Frémond réduit les gaz, met l’appareil au régime de croisière et oblique
vers le nord-est, pour couper la boucle de la Marne. Quelques fumées,
lentes et paisibles, traînent dans la cuvette du Grand Morin.
La mission ? L’avion emporte une tonne de projectiles pour bombarder les
colonnes d’engins blindés sur les grandes voies de communication : il
s’agit d’endiguer la poussée allemande vers Sedan et la région nord de
la France.
Le temps passe.…L’équipage , qui tient l’air depuis plus de trois
heures, exécute sa mission point par point. Puis il rejoint l’Oise. La
rivière a des reflets de vieil argent et paraît immobile. A la verticale
, encadrée par la plaine fauve, une masse sombre aux formes accusées :
la forêt de Nouvion défile sous l’Amiot.
Ca et là, dans l’étendue noire,
quelques taches claires, des falaises de craie, surgissent sous les
ailes de l’avion ou s’éclipsent au rythme changeant du vol.
A travers les panneaux de plexiglass, la vue porte loin. Les contours du
sol, les champs, les jardins, les près, se découpent nettement. |
De faibles ondulations se
suivent, uniformes : les crêtes de Saint Michel. Deux lignes blanchâtres
tranchent sur le noir de la nuit : les routes de Maubeuge et de
Valenciennes. Sous une brume légère, un long trait s’étend rectiligne :
le canal de la Sambre à l’Oise.
A l’arrière-front une dizaine de halos : des
villages en feux.
Enfin, très loin, un saillant de dimensions modeste mais de nom illustre
: la montagne de Reims.
Un par un, le Colonel repère les alignements,
reconnaît les traits essentiels du paysage. D’un geste assuré et précis,
Dagnaux porte les points sur la carte et mesure la dérive.
L’Amiot est un peu secoué ; le pilote corrige
doucement, au manche, en maintenant le cap. Puis il agit sur le volet de
commande du plan fixe, car l’avion « pousse un peu dans la main ».
Dans la tourelle, le mitrailleur veille.
Au poste radio, le poignet de Regnault appuie en cadence sur le
manipulateur.
Pour scruter davantage la région survolée, où se trouvent, à n’en pas
douter, des rassemblements de blindés allemands, le Colonel s’agenouille
contre le plancher vitré de la carlingue. Mais il ne distingue aucun
véhicule : l’avion vole trop haut.
Après un coup d’œil à l’altimètre, Dagnaux donne
l’ordre au pilote de descendre plus près du sol ; Frémond enlève ses
gants fourrés, réduit les gaz, imprime avec aisance au gouvernail de
profondeur une poussée légère. Dociles, les moteurs se mettent au
ralenti ; l’avion s’incline en vol légèrement piqué. Battant l’air, à
coups rapides d’hélice, l’Amiot, en tanguant doucement, se rapproche de
la terre.
Les choses se passent normalement, presque
facilement. L’appareil maintenant est au-dessus d’un rectangle gris :
les faubourgs de Guise et de Flavigny. A ce moment, la brise
tourne….L’avion est dans le lit du vent.
Frémond touche un contact. Sur la planche de bord, une lampe rouge
s’allume entre les cadrans phosphorescents et jette dans la carlingue
une lueur de veilleuse. L’aiguille de l’altimètre oscille sur l’altitude
de 500 mètres. Le compte-tours droit donne 1.800 t/m ; le gauche 1.850.
La montre marque minuit cinq.
Dans la lumière avare d’une pile électrique de poche qui diffuse une
clarté jaune pâle, on aperçoit, sortant à moitié de l’ombre, le visage
de Regnault penché avec application sur le poste radio. Le fil d’antenne
tremble faiblement sous les vibrations des moteurs….
A suivre…
LCL Pierre PAQUIER
Avec l’aimable autorisation de Bernard PAQUIER |