N°27 - Octobre 2003

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Le mot du Président


    
     Aujourd’hui, je vous annonce un futur, un futur proche qui va nous arriver dessus rapidement : en 2004, notre association aura 10 ans, les FAS auront 40 ans et l’Armée de l’Air 70 ans. Cela fait 3 anniversaires, à regrouper, c’est évident.
          - 14 janvier 1964 : les Forces Aériennes Stratégiques sont officiellement créées,
          - Octobre 1964 : la première tenue d’alerte à 15 minutes sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, escadron Gascogne. 
     Combien étaient-ils ces hommes et ces femmes FAS et hors FAS, ces gens de l’Armée de l’Air, à être reliés entre eux par le fil de « la mission opérationnelle nucléaire» : les pilotes, les navigateurs-bombardiers, les mécanos navigants, les mécanos sol, les armuriers DAMS, les gendarmes contrôleurs du DAMS, les OPO, les S/OPO, les cuistots, les serveurs, le personnel du CLA, les pompiers, les officiers de tir des PCT SSBS et le personnel d’Apt, l’équipe du COFAS, les gendarmes du COFAS et de l’Elysée, le pilou, le « porteur » de la valise et le CHEF, le premier étant le Général de GAULLE.
     Et ceux que j’ai oubliés…. et quelque soit l’heure du jour, de la nuit, le jour de semaine ou le jour férié. 
     Je me souviens de cette tenue d’alerte en ZA d’Istres – la piste d’Orange étant en entretien – un 15 août 1969, avec un temps magnifique, sans mistral ni vent du sud et au cours duquel un jeune mécano à l’escadron d’Istres, marié de la veille, était venu en ZA nous présenter sa jeune épouse et offrir le champagne à ses collègues de boulot. La jeune épouse était en robe de mariée.
En septembre 2003, le Lt-Cl PRIOL a pris le commandement de l’escadron de Mirage IV P reco, l’ERS. C’est le dernier commandant à attacher son nom à un escadron de IV. En 2005, fin juin sans doute, les Mirages IV effectueront leur tout dernier vol. Faisant suite à la fête des 40 ans, la « disparition » de ce bel avion du ciel de France s’entourera d’une certaine intimité.
     Je ne sais pas aujourd’hui si le musée de l’Air et de l’Espace du Bourget accueillera un 4 P dans sa collection mais si c’est le cas – comme nous l’espérons tous – l’Anfas fera en sorte d’être présent dans le comité d’accueil.
Entre deux portes, pour les dates et lieux de ces anniversaires, j’ai entendu dire que la fête aurait lieu à Mont-de-Marsan le 17 juillet 2004. Noté cette date en traits gras sur vos calepins et quand l’info sera officielle, je vous transmettrai les éléments. Mais dès à présent, je vous demande de rester attentifs aux Anfas contact : gardez vos agendas vierges, n’écoutez pas les agences ou les sirènes qui vont vous susurrer des voyages aux 4 coins de la planète.

     En 2004, l’Anfas vous donnera plusieurs rendez-vous : nous ne laisserons pas partir notre superbe avion pour des cieux ésotériques sans lui glisser dans les bidons tout le plaisir que nous avons eu à le côtoyer, à l’accompagner dans son parcours opérationnel. Il rejoindra ainsi, en toute sérénité, le paradis des avions heureux, ce paradis où des équipages, des mécanos et tout ce personnel relié par le fil de la mission opérationnelle nucléaire, partis avant nous, réceptionnent et rangent harmonieusement, dans les demi-tonneaux en nuage à formes de cumulus de beau temps, cette merveilleuse bête à voler loin, vite, bas, haut qu’est le MIRAGE IV.
     Ce 25 août 2003, notre ami Guy AGLAURE, notre seul sous-officier du conseil d’administration, nous a tiré sa révérence. Depuis quelques mois, Guy se bagarrait contre un cancer qui ne lui à laissé aucune chance. Nous étions 4 de l’Anfas à l’accompagner dans son dernier parcours et à entourer sa famille. Mais ses amis de la médaille militaire avaient bien fait le rappel : 11 drapeaux bleu-blanc-rouge se sont inclinés devant son cercueil durant la cérémonie.
     En forme de dernier hommage à cet ami qui avait repris du service à l’ANFAS, voici quelques dates dans son CV : 
- 1953 : engagé volontaire à 19 ans dans l’AA. Il passe son BE de mécanicien équipements aux USA.
- 1954-1954 : il est affecté à l’école des mécaniciens navigants à Fès ; il est ensuite à Meknès, à l’école des pilotes de chasse, puis à la 8ème escadre de chasse à Rabat-Salé ;
- Il part à Paul-Cazelle, en Algérie, en détachement avec la 8ème escadre pour y maintenir l’ordre, sur avion T6 et occupe souvent la place du navigateur ou du mitrailleur.
- La 8 fait mouvement sur Oran-la-Senia et Guy est avec elle.
1962 : enfin la France à Metz-Frescaty et Nancy-Ochey où stationne la 8ème escadre. Guy est affecté au 2/8 et fait partie de l’équipe de mécaniciens qui s’occupent de la Patrouille de France alors sur Mystère IV, et qui comptait alors 12 avions. 
- 1963 : Guy quitte Ochey pour les essais en vol à Brétigny.
- 1965-1968 : il est affecté à Avord, aux FAS, sur C 135F.
- 1968 : avec le grade d’adjudant-chef, il est affecté au Germas de Villacoublay où il organise de A à Z le magasin technique
- 1977, Guy quitte l’armée de l’air pour une carrière civile.
Il est titulaire de la médaille militaire, de la Croix du Combattant Volontaire, de la médaille de la Reconnaissance de la Nation avec agrafes Maroc et Algérie.
Avant de partir pour Caen où il fut inhumé, Guy avait tenu à ce que nous nous réunissions autour de son épouse, de ses 3 enfants et d’Yvette, sa compagne, pour boire un verre de champagne à son souvenir.
     Gardons de lui cette image d’un verre de champagne étincelant à la lumière : Guy était un chic type. Et soyons sûr qu’il sera avec tous les anciens à accompagner en juin 2005 le dernier IV en ravitaillement en vol.
Guy était mécano C135 FR. 

                                                                                   Jacques Pensec


     

IN MEMORIUM

« Il y a quelques mois lors d’une visite de l’ANFAS à MONT DE MARSAN, vous avez bien voulu avoir une pensée pour PARDAILLAN et MARTIN qui nous quittèrent tragiquement le 7 octobre 1977. Ceux du ‘’GASCOGNE’’ de l’époque auront apprécié votre devoir de mémoire.
     Les prémices de cette tragédie remontent au 6 octobre 1977 alors que, adjoint au chef des opérations j’allais rédiger comme chaque jour la prévision des vols pour le lendemain. Quatre vols étaient prévus dont une mission nouvelle sur ‘’JURBY’’ au nord de l’île de MAN, et un vol ‘’pilote’’.
     La première consistait en un bombardement réel avec des ‘’SAMP’’ au champ de tir anglais, la deuxième en un vol court de maniement avion mais qui comportait un poser décoller avion lourd.
     Pour le vol inaugural le chef OPS, MERCIER voulut que je l’accompagne, mon anglais devenant honorable. J’abandonnais donc mon pilote attitré,
MARTIN sur son vol ‘’pilote’’. A cette époque, 50% des vols devait se faire en équipage d’où des binômes désignés officiellement. J’inscrivait alors SANTEVECCI qui n’était pas en retard d’heures pour ce vol court avec MARTIN. Les ordres faits au crayon étaient prêts pour la frappe après l’accord du chef OPS. C’est alors que PARDAILLAN chef des Opérations de l’Escadre et abonné navigateur pour 4 heures de vol par mois à l’escadron, entra dans notre bureau. Il ressemblait à son nom et avec toute sa diplomatie et sa gouaille gasconne, il réussit à se faire inscrire sur les ordres à la place de SANTEVECCI, pour ce vol économique en heures Ma gomme venait de sceller deux destins…
     Le lendemain, notre mission sur l’Angleterre se passa sans encombre malgré l’excitation de bombarder pour la première fois un pays étranger, mais la Flak fut raisonnable …Vers 13h00 après cinq heures de vol, nous avons contacté le radar de MARINA pour avoir les ‘’couleurs des terrains’’ du Sud Ouest et là, émotion, MARSAN était ‘’Rouge technique’’( les pompiers étaient absents de la base) . Nous savions ce que cela signifiait, mais nous espérions encore, égoïstement, que l’escadron ne fût pas concerné. Comme nous avions du ‘’pétrole ‘’ nous avons commencé à attendre en nous rapprochant de la base. Une épaisse colonne de fumée s’élevait de la caserne de la Gendarmerie. Notre inquiétude commençait à virer à l’angoisse compte –tenu du black out des informations. Ce que nous ne savions pas, c’est que les média n’avaient pas la même retenue et qu’au sol, les épouses prévenues par les informations de 13h00 commençaient à converger vers la base muette, dont les grilles venaient funestement de se refermer. En l’air, deux noms commençaient à nous traverser l’esprit mais peut-être s’étaient-il éjectés avec succès?
     Dix minutes plus tard le terrain étant de nouveau opérationnel, nous nous posions. L’accueil des mécanos laissait présager le pire.
     Dans la salle d’ops il régnait à la fois une grande agitation et un grand désarroi. MARTIN n’avait pas réussi à reprendre suffisamment de vitesse lors de son ‘’touch and go’’ délicat et s’était écrasé sur la caserne de la gendarmerie mobile à la sortie de MONT DE MARSAN.
     Sur place c’était l’apocalypse , le mirage IV avait disparu sous les gravats d’un immeuble. Seul un réacteur gisait contre le grillage de l’école maternelle qui semblait intacte et où les mères venaient miraculeusement de récupérer leurs enfants. Le siège de PARDAILLAN tombé au milieu des véhicules du garage de la gendarmerie indiquait une dernière volonté de survie. Nous retrouvâmes MARTIN , fidèle à son poste, en dégageant la carlingue, le lendemain matin. Le toubib de la 

 

    base me glissa dans la main une alliance et une petite médaille ‘’ Notre Dame des Ailes ALGER’’. MARTIN était Pied noir. Les gendarmes et leurs familles avaient été préservés mais l’Escadron GASCOGNE perdit pour longtemps sa joie de vivre.
Merci de vous en être souvenus. »
LE DOARE

Le Bombardement parraine la Gendarmerie.



     Chacun dans les FAS connaît le rôle de la gendarmerie dans le contrôle des armes nucléaires, mais de là à ce que des élèves gendarmes choisissent un mitrailleur -bombardier comme parrain de leur promotion on pourrait s'étonner, et pourtant...
Le Sergent Lingueglia, mitrailleur bombardier de la BR 126, dont le Breguet XIV fut abattu en zone ennemie le 27 mai 1918, a été choisi comme parrain par l'une des deux promotions de cent jeunes gendarmes, baptisées le 25 octobre à l'École de Gendarmerie du Mans.
Honorée par ce choix, l'Armée de l'Air a participé à cette cérémonie en envoyant le fanion du 2/94, escadron qui a repris les traditions de la BR 126, et une délégation composée notamment du Lieutenant-colonel Vrancken "jeune ancien" du 2/94 et actuellement chef évaluateur à l'État-major des FAS, du chef du BAI du Mans et d'un officier représentant le commandant de la base aérienne de Tours. De nombreuses associations étaient également représentées, dont l'ANFAS.
     Sur la place d'armes de l'École de gendarmerie, à côté de nos couleurs et du drapeau européen flottent les couleurs espagnoles, italiennes et portugaises : rien que de très normal puisque les écoles de gendarmerie de ces pays procèdent régulièrement à des échanges d' élèves. Il est seize heures et le soleil s'est décidé à paraître lorsque le drapeau de l'École se met en place aux ordres du Lieutenant-colonel Tréhin, commandant la Division d'instruction de l'École. Puis, après l'accueil des autorités et la revue des troupes par le Colonel François, commandant l'École, ce sont les instants solennels du baptême pour les jeunes gendarmes qui demandent à prendre pour parrains le Maréchal-des-logis-chef Blanpinget, mort au cours de la guerre d'Indochine pour la 69° promotion, et le Garde-à-pied Lingueglia, abattu au cours d'une mission de bombardement à la fin de la Grande guerre pour la 68° promotion.
     La carrière de ces deux parrains est alors retracée par un officier de l'École et, pour nous de l'ANFAS, celle du Garde-à-pied Lingueglia, particulièrement atypique, mérite que l'on s'y arrête car elle est significative des débuts de l'Armée de l'Air dont les effectifs provenaient alors d'horizons très divers.
     A onze ans il s'embarque comme mousse, ce qui serait impensable aujourd'hui, et devient matelot dans la marine marchande, puis il s'engage dans la garde républicaine et, après trois ans de stage, il est nommé garde-à-pied dans ce corps d'élite en 1914. Comme beaucoup d'autres jeunes hommes à cette époque, il se porte volontaire pour le front et est détaché au 1° Groupe d'aviation de Dijon, d'où il est envoyé à Cazaux pour suivre un stage d'élève pilote, puis de mitrailleur-bombardier.      C'est avec cette qualification qu'il est affecté à la BR 128 du Groupe de bombardement N° 3, puis quelques temps après à la BR 126. Il effectue alors de nombreuses missions sur Breguet XIV, au cours desquelles il se fait remarquer par son allant et sa combativité. La guerre se poursuit et c'est lors de la dernière grande offensive allemande lancée par le Général Ludendorff que le Garde à pied Lingueglia, devenu sergent, a rendez-vous avec son destin : le 27 mai 1918 son Breguet XIV est pris à partie par deux appareils ennemis et abattu, pilote et mitrailleur sont portés disparus.
     Quelque quatre-vingts ans plus tard, honneur lui est donc de nouveau rendu par les jeunes gendarmes qui l'ont choisi pour parrain.
     A l'issue de la cérémonie, clôturée par le défilé des nouveaux gendarmes, le Colonel François remerciait les familles des parrains, les Officiels et les délégations autour du verre de l'amitié; c'était le moment pour le Lieutenant-colonel Vrancken de remettre la médaille des FAS au Commandant de l'Ecole et d'offrir un livre souvenir sur le Mirage IV au major de chaque promotion.
     Dès le lendemain les nouveaux gendarmes rejoignaient leur première unité, puissent-ils y connaître, dans les circonstances troublées que nous vivons, plein succès dans l'exercice de leur difficile mission au service de nos concitoyens, c"est le souhait que forme l'ANFAS.