N°26 - Août 2003

L’équipe de rédaction : C.Auzépy-Thor   -    11 r. Chanez-75781   -  PARIS 16°
c.auzepy@thor.fr                             Site anfas : http://anfas.free.fr

 

Le mot de la rédaction


     Ce numéro d’ANFAS Contact est consacré aux souvenirs de nos grands anciens qui ont forgé, au sein des escadrons de B26 au cours de la dernière guerre comme dans les opérations qui ont suivies, l’âme et l’esprit des escadrons des Forces aériennes stratégiques.
     Cela se retrouve dans les traditions et les insignes des premiers escadrons FAS.

Hommage leur soit rendu. Sans eux tout aurait été plus difficile pour nous.

Souvenir des B26 MARAUDERS.


     Il existe au Musée de l'Air et de l'Espace, parmi toutes les curiosités, un appareil utilisé par les aviateurs de l'Armée d'Afrique, le B26 MARAUDER.
     Les anciens des B26 MARAUDERS ne remercieront jamais assez l'Etat Major du Musée de l'Air ainsi que le personnel des ateliers de Dugny, pour ce magnifique travail de restauration.
 
     Le 24 janvier 1943, à la conférence d'Anfa, il fut décidé la création d'un corps expéditionnaire français placé sous le commandement tactique américain et équipé d'appareils modernes.
     La France étant entièrement occupée, les Américains ouvrirent leurs écoles de formation du personnel navigant.
     L'appareil proposé fut le B26 MARAUDER, nom donné en souvenir d'une tribu indienne particulièrement redoutable et insaisissable.
Créé à Baltimore (Maryland) U.S.A.en 1940 dans les usines Glenn Martin, le B26 MARAUDER fut utilisé dès le début de 1942, dans le Pacifique avec des succès mitigés. La mise au point se fit, grâce à une collaboration parfaite entre les équipages et l'usine Glenn Martin . Le B26, tracté par 2 moteurs de 2000 CV, pouvait atteindre la vitesse de 454 km/h à 4 600 mètres et transporter 2 tonnes de bombes.
     L'équipage, composé de 6 ou 7 membres suivant la fonction de l'appareil, disposait d'un armement contre les chasseurs de 11 mitrailleuses de 12,7mm. En septembre 1943, le groupe 1/22 Maroc commença son entraînement dans le centre américain de Telergma (Algérie).

     Le 29 mars 1944, le 1/22 Maroc fit merveille pendant la bataille d'Italie.
     Le 2/20 Bretagne et le 1/19 Gascogne entrèrent en opération, formant la 31ème escadre rattachée au 42ème Wing dont la principale mission était l'attaque de l'arrière 

de l'ennemi, des dépôts d'essence et de munitions, des concentrations de troupes, du trafic routier, des nœuds ferroviaires et des gares de triage. Pendant le mois de juillet, ils détruisirent 22 ponts en 3 jours.
     En août 1944, arriva le 2/52 Franche Comté, premier groupe de la 34ème escadre.
Les opérations s'orientèrent vers la préparation du débarquement en France.
En septembre 1944, le 1/32 Bourgogne et le 2/63 Sénégal vinrent compléter la 34ème escadre et continuer la démolition des ponts en Italie. Du 10 au 14 août 1944 : attaque des ouvrages de Giens, du cap Camarat, des îles d'Hyères et du Levant, ainsi que la redoutable batterie côtière de Saint Mandrier de 2 x 340mm qui interdisait l'accès à la rade de Toulon. L'attaque causa des pertes sensibles à nos Marauders.
     Le 18 août, 20 avions endommagés, 1 abattu. Le 19 août, 23 avions endommagés, 1 abattu. Le 20 août, la plupart des avions endommagés et 2 crashés à l'atterrissage.
 
     Les 7 membres d'équipage du B26 n° 77 du 2/52 Franche Comté, se souviennent de leur 7ème mission du 18 août 1944 : touché par la flak, le B26 n° 77 prend feu avec une bombe resté accrochée dans la soute. L'appareil explose 20 secondes après le saut du pilote, le capitaine Lasnier-Lachaise, dernier membre d'équipage. Tout le monde prend son bain forcé, au désespoir du mitrailleur de queue qui, ne sachant pas nager, barbotte pendant 5 heures. Prisonniers, ils se retrouvent dans une petite église, "Notre Dame de Bonne Garde" transformée en PC de flak, puis sont dirigés vers le fort Gardanne. Le fort fut encerclé par les troupes de la 7ème armée U. S du général Patch et la 1ère armée française du général de Lattre de Tassigny. Pendant ce temps-là, les Marauders bombardaient les ponts de Vintimille, Gilette, Arles et Sisteron afin de couper les voies de communication.
     La situation du fort devenait critique. Le 24 août, le colonel Bouvard qui avait convaincu les officiers allemands de se rendre à des représentants de l'armée régulière, recevait la reddition de la garnison allemande.
     Celle-ci fut remise aux forces de l'armée d'Afrique, après avoir hissé le drapeau français sur le fort. En novembre 1944, les escadres firent mouvement sur Lyon-Bron, et attaquèrent les objectifs allemands à travers un mur de feu : Nuenbourg, Neuf-Brisach, etc… malgré une météo exécrable. Si les conditions de vol étaient pénibles, le travail au sol l'était également, aussi faut-il souligner le dévouement et la conscience professionnelle exceptionnelle de ce personnel. 
     En mars 1945, des groupes furent déplacés à Saint-Dizier. Les bombardements continuèrent sur l'Allemagne et les poches de résistance de la côte ouest, Vaux sur mer, la Loubre, la Saffe, etc...

     Le 25 avril 1945, 70 avions firent sauter le dépôt de munition d'Ebenhausen, dernière mission de guerre.
     Le 9 mai 1945, défilé de la victoire sur Paris. A partir du 15 septembre 1945, les groupes s'installèrent pour l'occupation en Allemagne. Les bombardements firent place au transport de passagers entre la France et l'Algérie. Plus de 144 000 personnes furent transportées, sans confort mais en toute sécurité.
     Pendant les opérations de guerre, la 1l° brigade de Bombardement Moyen a effectué :
- 2 800 sorties de guerre,
- 11 350 heures de vol de guerre,
- largué 3 600 tonnes de bombes,
- perdu 9 avions et 200 furent endommagés.

En souvenir des disparus... :

Que leur dur sacrifice, à jamais ne soit vain ;
Que pour les survivants, détresse ou défaillance
N'entache point leur vie, en pensant aux copains
Qui sont morts simplement, pour que vive la France.


Jacques DEBRAS, secrétaire général de l’amicale des anciens des B26 MARAUDER Français.

                            *****************************
 

MINETTE sur MARAUDEUR.

     Qui est Minette ? Un chat de gouttière ? Un minou de salon ? Mystère !
Lyon. Les six Maraudeur du flight sont alignés sur le parking. Nous chargeons notre lot de prisonniers Musulmans arrivés d’Allemagne. Indifférents à leur environnement, ils s’installent sous le plafonnier de la deuxième soute à bombes et commencent une partie de cartes qui ne se finira qu’à l’arrêt des moteurs à Alger.
     Le lendemain, vol retour. Tout à côté de mon bon 63 le 69 est aligné. Les GMC débarquent nos futurs voyageurs, en particulier des femmes et des enfants de militaires qui rejoignent enfin la Mère Patrie.
     Le radio -ce sacré futé- chargé du briefing sur « l’emergency », a déjà jeté son dévolu sur la plus jolie passagère. Gentiment, par le bras, il la conduit vers l’avant de l’avion. C’est elle qui servira de cobaye pour la démonstration. Il lui passe la May-West autour du cou. C’est alors qu’ingénument elle demande pourquoi l’appelle-t-on Minette 3 ? Tout le monde éclate de rire. La jouvencelle n’a pas compris sa bourde.
     Minette n’a pas de chance. Minette 1 a été descendu devant Toulon ; Minette 2 est éparpillé en Alsace avec son équipage ; quel sera le sort de Minette 3 ?
     Le radio commence son « speech » ; ce grand sadique enchaîne en ces termes :
-Si nous tombons à l’eau, voici ce qu’il vous faudra faire.
Ca jette un froid sur ces baptêmes de l’air. Et il tire sur la courroie de la May-West qui remonte sa jupette au ras de son état civil, découvrant de magnifique paire de jambes bien fermes et bien droites.
     Décollage, mise en formation espacée, nous grimpons vers 6.500 pieds par sécurité, cap au Nord. 2h30 de flotte sous nos ailes. Je jette un œil sur les moteurs qui tournent rond ; pas de traces d’huile sur les capots. De temps en temps, je fais une ronde dans les soutes pour contrôler le respect de la consigne « NO SMOKING ».
Le temps s’écoule. Je fais le transfert de carburant externe gauche, principal droit. Externe droit, principal gauche. Je
contrôle l’opération au chrono et tâte de temps en temps si la pompe électrique ne chauffe pas trop… Il y a eu des incidents.

 

     Chaque poste est équipé d’un thermos de 2 litres et d’un distributeur de gobelets. Ils sont toujours alimentés par un Mascara rosé de 14°. Chemin faisant, une passagère passe la tête au poste de pilotage et nous demande quand nous serons en vue des côtes : "Appelez-moi ! Je voudrai voir".
     La formation laisse sur notre gauche un Junker 52. Lui en aura pour plus de 4 heures pour rejoindre les deux rives.
     La côte est en vue à quelques dizaines de kilomètres devant nous : Marseille à droite, l‘étang de Berre à gauche. L’avion encaisse successivement quelques coups de tabac. Je demande à la passagère si elle veut voir.
"Non merci, je ne me sens pas trop bien".
Alors angélique je lui tends un gobelet « d’élixir ».
"Buvez ça. Ca vous remettra".
     A ma surprise, elle avale d’un trait. L’alcool fait son effet. Les yeux dans le vague, le teint cireux, elle reste collée au siège navigateur et ne dit mot jusqu’à l’arrivée.
Le pilote descend le train. Je baisse la trappe de l’emergency. Nous atterrissons. Un pied sur l’accoudoir navigateur, un pied sur l’accoudoir radio, je sors le buste du trou d’homme et, le bigophone à la main, je surveille le cheminement sur les run ways. Les six Maraudeurs s’alignent face aux vestiges de l’aérogare.
Encore une traversée. Une de plus. Il en sera ainsi toute la semaine.

Sergent Mécanicien Yves VINCENT


                            *****************************
 

Un pilote vous parle de Telergma

     Nous étions au Maroc, quand le Commandant d’unité nous annonça : 
« Cette fois le cap est bon, nous partons sur les Marauders ».
Quatre jours et quatre nuits de chemin de fer nous menèrent à Telergma, à l’ouest de Constantine, à mille mètres d’altitude, sur un terrain d’où le groupe qui nous avait précédé venait de partir.
     Nous étions enfin devant ce fameux bombardier qui allait être notre instrument de guerre.
     C’était l’hiver, il faisait froid. Le matin nous nous retrouvions parfois la tête sous la toile de tente, celle-ci ayant cédé par la suite du poids de la neige.
Tout le confort que transporte l’Amérique avec ses unités nous attendait. Ce fût alors l’entraînement avec l’instruction technique au sol.
     Nous n’avions encore jamais volé sur Marauder. Au début, pas mal d’ennuis avec cette boite en fer qui nous paraissait plus proche du sous-marin que de l’avion : un emballement d’hélice, un « pouet-pouet » qui fait beaucoup de fumée, un moteur qu’on ne sait comment arrêter, un faux départ et puis on est parti…on ne sait trop comment, on est revenu aussi…on ne sait trop comment non plus.
     Il n’était pas facile de se faire comprendre des moniteurs américains, mais comme nous parlions le même langage mécanique tout finalement se roda très bien.
     Après Chateaudun-du-Rhumel où nous étions partis pratiquer le vol de groupe, nous avons traversé la « baille ». Et puis ce fut la guerre, mais ceci est une autre histoire……à suivre.

Extrait du recueil souvenirs :
« MARAUDERS Français 1944-1945 »
réalisé par les Officiers de la 11° Brigade de Bombardement.