N°19 - Juillet 2002

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LE MOT DU PRESIDENT

« Parti sans dire au revoir ».

     
Jean-Paul Siffre, notre ami, celui du conseil d’administration de l’Anfas, celui du musée de l’air et de l’espace, celui de la G.E., nous a quittés subrepticement le samedi 29 juin. Nous étions en réunion de bureau le mardi précédent. 
     Depuis le début de l’association, Jean-Paul était pour nous la personne aux idées sortant du cadre classique. Il avait toujours sa « tête chercheuse » en opération. Lorsque nous voulions communiquer hors armée de l’air, il nous faisait ouvrir la porte de la Cité des Sciences à la Villette. Lorsque nous abordions le dernier vol du Mirage IV en 2005, il avait l’idée qui n’avait pas été imaginée par les autres.

     «Tu vas nous manquer, vieux frère d’armes. Mais surveille autour de toi, toi le pilote qui vole maintenant dans le paradis des Jonathan le goéland, du Petit Prince et, si Dieu avait une place dans ton âme, au paradis de l’Eternité. Maintiens-toi dans des zones sans turbulence et si tu le peux, garde du temps pour toi. Ne deviens pas le président d’une escadrille d’aviateurs céleste même si c’est le Fils qui te le demande. Joue perso….».

     Nous étions près de 300 à te rendre une dernière visite le jeudi 4 juillet dans l’église de Franconville. L’Armée de l’Air et les FAS étaient présents et les galons brillaient au soleil d’été pour t’accompagner un bout de chemin. L’Anfas avait sorti son carnet d’adresses et beaucoup étaient là. Mais nous n’étions pas seuls, d’autres de tes amis étaient également présents.
     En tant que Président, pendant ta cérémonie, discrètement, j’ai demandé à ceux qui t’ont précédé, à ceux que l’Anfas n’a pas pu ou su accompagner comme toi, de ne pas nous en tenir rigueur, de venir t’accueillir et de te faire visiter la terre ensoleillée des Richard Bach et des St-Exupéry.

« Mon cher Jean-Paul, tu es parti sans nous dire au revoir . En esprit indépendant, tu nous as joué un dernier acte que j’appellerai surréaliste. Tu as tiré ta révérence un samedi matin avec très peu de témoins. Mais nous n’avons pas accepté ce dernier acte trop discret : nous avons claironné ton départ aux 4 coins de l’horizon. Sans rancune mon Général. » 

Jacques Pensec.

                    Rêve de pilote.

Un jour je volerai, ainsi que Peter Pan,
Sans mes ailes d’acier et sans prendre d’élan,
Je n’aurai qu’à penser
Et je décollerai,
Je pourrai sans fusée monter au firmament,
Et là je planerai pendant plus de cent ans,
Partageant l’amitié des copains retrouvés,
Compagnons d’équipage et mécanos zélés,
Je revivrai le vol de mon premier lâché,
Et j’entendrai les sons que j’avais dépassés,
Je plongerai du ciel,
Où tout est éternel,
Pour revoir le ciel bleu,
Où j’ai volé trop peu,
Et baigné dans cet air qui m’a si bien porté
Au ras du plat plancher, ou bien aux antipieds,
Me penchant dans le vent,
Je prendrai des tournants,
Dévalant des sommets, je suivrai les vallées
Dans le moindre lacet, puis j’accélèrerai,
Cabrant sous les stratus,
Qui cachent les nimbus,
Je grimperai plus haut que les fiers cumulus,
Et je traverserai la glace des cirrus,
Hauteurs inhabitées
Vers vous je monterai,
Pour retarder l’instant où le soleil couchant
Embrase l’horizon d’un jour agonisant,
Spectacle fascinant que seuls peuvent admirer
Les heureux fou-volants qui arrivent à percer
La frontière azurée
Du mur de la beauté,
Puis le ciel et le sol, étoilés, réunis,
Image d’une sphère au rayon infini,
Me donneront le rêve où je peux chaque nuit
Voler au paradis.

Jean-Paul SIFFRE

Quel plus bel hommage pouvions nous faire à notre ami que de vous confier l’un de ses poèmes. 

Oraison à Jean-Paul
     

     Lorsque nous nous sommes quittés tardivement mercredi dernier après une réunion du chapitre « Guerrelec » des Old Crows dont tu étais l’un des membres fondateurs, j’étais loin de me douter qu’aujourd’hui me reviendrait la redoutable charge de te faire nos adieux devant ta famille éprouvée et tes nombreux amis et connaissances, venus te témoigner par leur présence, au delà de leur sympathie émue, leur profonde considération pour l’exemplarité de ta vie active.
     Quand en 1962, tu entrais à l’ Ecole de l’Air, je savais dès les premiers jours de notre vie commune, que ton parcours ne serait pas banal. Ton éducation, ta culture, ton tempérament, ta passion pour l’aéronautique, mais aussi et surtout ta haute idée de l’homme et de l’officier, t’ont conduit à faire une des plus belles carrières de notre promotion. 
     Je dis l’une des plus belles, plutôt que brillante, ce qu’elle fut aussi, puisque tu as été promu officier général de l’Armée de l’Air. Mais tout un chacun autour de toi savait que ta motivation première était de servir les causes que tu défendais, plutôt que de t’en servir pour tes propres intérêts.
     Tu as toujours, depuis que je te connais, été droit, fidèle et généreux, mais aussi, sans complaisance, pour ce qui était petit ou annexe à la mission. Cela t’a toujours valu et te vaudra éternellement notre admiration et notre estime.
Tout ce que tu as entrepris, le fut avec intelligence et passion, et sans compter tes efforts.
     Y-a-t-il un autre aviateur de notre génération qui en six années de pilotage opérationnel a su passer de l’Aviation de Transport, c’est à dire du Nord Atlas bi-moteur à hélice de l’après guerre, au boeing C135 ravitailleur en vol, puis dans le même élan, sur Mirage IV A, bombardier nucléaire supersonique, capable de voler à Mach 2.2. Toi seul étais capable d’un tel exploit ! Mais l’Armée de l’Air ne devait jamais regretter son investissement dans une personnalité aussi riche que la tienne. 
     Ton expérience aéronautique hors pair et la confrontation du bombardier avec ses principales menaces, les missiles Air-Air et Sol-Air adverses, t’ont naturellement conduit à devenir un précurseur puis un expert en matière de Guerre Electronique, reconnu au plan national et international.
     Ta contribution à l’équipement des appareils de l’Armée de l’Air, ta participation à la définition de ce qui devait devenir le Renseignement Militaire, ton enthousiasme sans faille au milieu des Old Crows, en témoignent comme le font du reste tes nombreuses et toujours intéressantes publications, y compris le dernier ouvrage que tu venais de confier à un éditeur !
     En quittant l’Armée de l’Air, ce ne fut pas pour faire des affaires en tirant parti de ton précieux savoir.
Ce fut une nouvelle fois, pour te mettre au service de ta passion ; cette fois comme Directeur du Musée de l’Air.
     Tu as, avec ton irrésistible allant et avec optimisme, contribué à préserver notre prestigieux passé aéronautique, que tu souhaitais faire durer jusqu’au 3ème
millénaire, comme tu aimais à le rappeler avec un brin de malice au fond de l’œil.
 Quand enfin avec l’âge, il a fallu lâcher les commandes, tu as néanmoins choisi de rester actif, dans une pléiade d’organisations générales, l’une plus prestigieuse que l’autre :
        - l’A.E.A
        - l’ANFAS
        - Le chapitre français des Old Crows
        - Le Groupe Rencontre,
        - Et j’en oublie…

Toutes ces institutions se félicitent de ta toujours loyale et déterminante contribution, offerte avec une constante discrétion et une inépuisable gentillesse.
Non, Jean-Paul, tu ne nous a pas quittés, tu t’es simplement tourné vers ton « Grand Bleu », tes interrogations sur l’univers, l’infini, évocations que tu nous a fait partager en invitant coup sur coup des conférenciers, des astrophysiciens qui te fascinaient, probablement parce qu’ils savaient voir le seuil de l’univers, eux !

A ta famille éprouvée, je tiens à exprimer les condoléances émues de toutes les organisations que j’ai citées.

Adieu mon ami et merci pour tout ce que tu as fait pour nous.
Pierre ROUDAUT.

Pierre ROUDAUT.